Pourquoi la lutte contre les pesticides est-elle un échec ?

Un tracteur agricole répandant des pesticides dans un champ

L’utilisation des pesticides a augmenté de 0.3% entre 2016 et 2017 selon les chiffres publiés dans le cadre de la loi finances 2019.

Lundi 5 novembre. Alors que l’interdiction du métam-sodium, substance active présente dans des produits phytosanitaires, est annoncée, le gouvernement révèle une hausse de l’utilisation des pesticides entre 2016 et 2017. Cette situation contradictoire souligne le paradoxe entre les objectifs des pouvoirs publics et leurs résultats.

Métam-sodium, le nom ne vous dit peut-être rien. Cette substance active, qui compose des pesticides, herbicides et fongicides, est pourtant à l’origine de 70 intoxications dans le Maine-et-Loire. Face à ces risques de cancer, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a interdit, lundi 5 novembre, l’utilisation des produits composés de métam-sodium. Le même jour sur leur site Internet, Les Echos informent d’une augmentation de la vente de pesticides en 2017.

C’est un document budgétaire du gouvernement, publié dans le cadre de la loi finances 2019, qui révèle cette hausse. Entre 2016 et 2017, l’utilisation des pesticides passe de 93,9 millions à 94,2 millions de doses unités (Nodu, l’unité utilisée pour mesurer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques) vendues. Cela représente une augmentation de 0,3 %. En légende, le document indique que ce chiffre est « calculé à partir des données de vente des distributeurs de produits phytopharmaceutiques ».

Cette évolution est en contradiction avec les objectifs affichés par les pouvoirs publics. Elle est aussi le dernier exemple d’échec des politiques menées depuis dix ans. Lancé en 2008, le plan national Ecophyto prévoyait de diminuer de 50 % le recours aux pesticides à l’horizon 2018. « L’utilisation des produits phytopharmaceutiques a globalement augmenté depuis le lancement du plan Ecophyto en 2009 », indique toutefois le ministère de l’agriculture.

Suite à cet échec, une seconde version baptisée Ecophyto 2, a été lancée. Elle prévoit, pour 2025, une baisse de 50 % de l’utilisation des pesticides par rapport à 2008. Mais, face à la récente augmentation, le gouvernement a déjà ajusté ses prévisions pour l’année 2018. Une question se pose alors : comment expliquer les difficultés des pouvoirs publics et du plan Ecophyto ?

Verrouillage du système de production

Certains dispositifs mis en place dans le cadre d’Ecophyto pour lutter contre les pesticides ont eu l’effet inverse. C’est par exemple le cas du Bulletin de santé du végétal (BSV). Il s’agit d’un système d’alerte pour prévenir les agriculteurs de la présence de maladies ou de ravageurs à partir de l’analyse d’un réseau de parcelles représentatives.
« Cette alerte peut éviter ou retarder les traitements inutiles à l’instant T. Mais elle peut aussi alarmer les agriculteurs et les inciter à sortir le pulvérisateur », indique un rapport de 2017 publié dans les Cahiers Agricultures et rédigé par des sociologues et agronomes de l’Institut national de recherche Agronomique (INRA).

Laurence Guichard, agronome de l’INRA, est l’une des auteurs de ce rapport. Dans une interview accordée à Reporterre, elle estime que « Les pouvoirs publics ont sous-estimé le verrouillage d’un système agricole fortement dépendant des pesticides.» Le terme employé de “verrouillage” fait référence au concept de « verrouillage socioethnique », décrit par Paul David en 1985. «Quand il existe une technologie jugée plus efficace mais que la technologie jugée moins efficace reste le standard », résume M’Hand Fares dans un article paru en 2012.

Ce chercheur de l’Inra utilise ce concept pour expliquer les difficultés de la transition agroécologique. Il décrit notamment un effet de réseau au sein du monde agricole : « L’augmentation du nombre d’agriculteurs en système conventionnel à favoriser l’affinement des connaissances dans ce domaine », et donc l’utilisation des pesticides.

L’exemple de la rotation agricole

Il existe pourtant des techniques de productions permettant de réduire le recours aux produits phytosanitaires. Dans un article publié dans sa rubrique planète suite à l’interdiction du métam-sodium, Le Monde évoque la rotation des cultures et la plantation d’engrais verts comme l’une des solutions les plus respectueuses de la biodiversité. C’est aussi une bonne illustration du verrouillage socioethnique qui caractérise le système agricole, comme l’explique Jean-Marc Meynard sociologue de l’Inra, dans une interview pour l’institut de recherche : « En grande culture par exemple, il y a eu depuis les années soixante une intensification et une spécialisation sur les espèces les plus rentables avec un raccourcissements des rotations».

En clair, les acteurs du monde agricole résistent aux changements imposés par les objectifs des politiques publiques comme le plan Ecophyto. « Il n’y a pas d’obstacles d’ordre technique à la réalisation de cet objectif, mais il nécessite de changer profondément les systèmes de culture », résume ainsi Jean-Marc Meynard.

Pour pallier aux difficultés et aux échecs des pouvoirs publics, les associations se mobilisent. Début septembre, un mouvement citoyen baptisé Nous voulons des coquelicots a ainsi vu le jour. Il revendique l’interdiction de tous les pesticides.

 

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