Pollution des cours d’eau bretons par les pesticides : le glyphosate toujours bien présent

Alors que l’utilisation et la vente de glyphosate sont plus que jamais pointés du doigt, la Bretagne reste encore grande consommatrice de ce pesticide. Depuis de nombreuses années, la question de la pollution des cours d’eau bretons par les pesticides se pose, et reste toujours d’actualité.

Moulin du Losser sur les rives du Léguer.

Le Léguer dans les Côtes d’Armor est l’une des rares rivières épargnées par la pollution liée à l’usage de pesticides. Crédit photo : Creasy | Wikimedia Commons

Le 20 novembre 2018, Générations Futures se prêtait au jeu des « Glyph’Awards » en récompensant ironiquement les départements les plus accros au glyphosate. En parallèle, l’association proposait des cartes de France détaillées des ventes de pesticides par département et par catégorie de pesticides. La Bretagne ne figure pas parmi les plus mauvais élèves en matière de ventes de pesticides, et de glyphosate notamment. Son utilisation –  l’herbicide est principalement utilisé pour le désherbage agricole mais aussi pour l’entretien des espaces urbains et industriels – est moins importante que dans d’autres régions, comme l’Aube, le Vaucluse ou la Gironde par exemple, où la culture des vignes ou l’arboriculture nécessitent davantage l’utilisation de pesticides. Il semble néanmoins intéressant de se pencher sur le cas breton, et les enjeux auxquels la région doit faire face.
Les données de la Banque nationale des ventes de produits phytosanitaires (BNV-D) mises à disposition par l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques, et utilisées par l’association Générations Futures, renseignent les ventes de pesticides dans les départements. Concernant la Bretagne, le glyphosate reste le produit le plus vendu.

Les Breton·ne·s ont ainsi acheté environ 468.355 kilogrammes de glyphosate en 2017. Les ventes du second pesticide le plus vendu, le prosulfocarbe, ont quant à elles atteint 291.852 kilogrammes. L’impact de cette utilisation n’est pas négligeable, notamment par rapport à la qualité des cours d’eau dans les Côtes d’Armor. Cette question n’est d’ailleurs pas nouvelle, puisqu’en 2011, déjà, une synthèse régionale de la qualité de l’eau des bassins versants bretons décrivait « une situation qui reste préoccupante en Bretagne, en particulier pour le couple de substances Glyphosate/AMPA qui est toujours responsable d’un grand nombre des pics de contamination constatés ».

Des cours d’eau fréquemment pollués par les pesticides

Pour quantifier la présence de pesticides dans les cours d’eau, les ministères demandent régulièrement des rapports et des productions de données à l’Observatoire de l’environnement en Bretagne. Celui-ci s’occupe de mettre à disposition des données objectives sur la présence de pesticides dans les cours d’eau, pour permettre aux décideur·euse·s politiques de mettre en place des actions comme la sensibilisations des professionnel·le·s, ou la mise en place de normes. « Les données produites rapportées aux services de l’Etat (représentés par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Bretagne) signifient que par rapport aux normes mises en place, il peut y avoir un impact sur l’environnement ou les humains », explique Emilie Novince, cheffe de projet pour le pôle eau à l’Observatoire de l’environnement en Bretagne.

La carte ci-dessous, produite à partir des dernières données disponibles de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne, permet de rendre compte de l’état des cours d’eau bretons en matière de pesticide. 

Concernant la présence de pesticides dans les eaux brutes, le code de la santé publique (CSP) édicte les dispositions réglementaires en matière d’eau potable, en application des directives européennes 98/83/CE et 75/440/CEE. Ces limites de qualité fixées sont 2 microgrammes/litres (μg/L) pour chaque pesticide et 5 μg/L pour le total des substances quantifiées simultanément.

D’autres seuils mis en place pour l’eau du robinet des consommateur·rice·s, 0,1 μg/L pour chaque pesticide et 0,5 μg/L pour le total des substances quantifiées simultanément, sont utilisés dans les eaux brutes superficielles et constituent les limites de qualité qui conditionnent l’obligation de mise en place ou non d’une filière de traitement des pesticides.

Ainsi, sur 94 stations contrôlées en 2014 par les structures de bassins versants, 14 disposent d’une eau ne nécessitant pas de traitement spécifique pesticides en cas de prélèvement eau potable. Pour 8 d’entre elles, le dépassement des seuils est trop important pour un prélèvement eau potable. 

Le glyphosate trop souvent présent

En se penchant sur le cas du glyphosate, très débattu à propos de sa dangerosité, on remarque celui-ci reste de loin le pesticide le plus transgressif au niveau des normes. « Si l’on regarde les cas de prélèvement où le seuil est dépassé, pour le glyphosate, cela représente presque la moitié (43,8% des cas). C’est l’une des substances les plus quantifiées* aujourd’hui, » ajoute Emilie Novince. A cela, il faut ajouter l’AMPA, principal produit de dégradation du glyphosate et des phosphonates (agents anti-tartre). C’est la première substance la plus fréquemment quantifiée depuis 1995/1996 (dépassement des seuils dans 75,5% des cas en 2017).

Enfin, comme le souligne Emilie Novince, pour la tendance des pesticides, il faut garder en tête que « si un pesticide disparait, on peut se dire que deux vont arriver par la suite ». Voilà qui illustre le nombre croissant de substances actives recherchées dans les prélèvements réalisés. Il est passé de 80 substances actives recherchées en 1995/1996 à 496 en 2014/2015.

Face à ce constat peu rassurant, des solutions pour éviter la pollution des eaux par les pesticides semblent tout de même envisageables. Dans les Côtes d’Armor, le Léguer (voir en vert, au nord de la carte ci-dessus) a obtenu le label « Rivière sauvage » grâce aux efforts des Costarmoricain·e·s pour empêcher le déversement des polluants dans l’eau de ce fleuve. 

Il n’en reste pas moins que ce sont également les habitudes de consommation des pesticides qu’il faut faire évoluer, pour éviter leur rejet dans l’environnement breton, alors que la lutte contre les pesticides en France semble s’essouffler.

C’est l’enjeu de la consultation lancée par le gouvernement le 20 novembre sur le plan Écophyto II+ afin, notamment, de réduire notre dépendance aux pesticides, et prolonger les actions précédemment menées, avec notamment une réduction envisagée de 50% des usages de produits phytopharmaceutiques d’ici 2025. Le 1er janvier 2019, un premier palier sera atteint avec l’interdiction à la vente du  glyphosate pour les particulier·ère·s.

Dorian Girard

*Selon l’Observatoire de l’environnement en Bretagne, « une substance est dite quantifiée lorsque le résultat de la mesure est supérieur ou égal à la limite de quantification, c’est- à-dire à la valeur à partir de laquelle la méthode d’analyses employée permet de mesurer précisément la concentration de la molécule dans l’échantillon. »

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