La biodiversité sur liste rouge

Le risque d’extinction menace de plus en plus d’espèces animales et végétales sur l’ensemble de la planète. Un rapport de l’IPBES publié le 6 mai dernier estime même qu’un million d’espèces sont aujourd’hui concernées.

Le vivant est peu à peu vidé de sa diversité. Aujourd’hui, l’apparition de nouvelles espèces est très loin de compenser la disparition de nombreuses autres, conduisant à un amaigrissement colossal des écosystèmes. « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », alerte l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) dans un rapport rendu public le 6 mai 2019 sous forme d’un résumé (en anglais) et d’un communiqué de presse. Le rapport complet (environ 1500 pages) devrait être publié d’ici la fin de l’année.

Un million d’espèces menacées d’extinction

Entre autres conclusions, ce rapport estime qu’environ un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, notamment au cours des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité, en grande partie à cause de l’intervention humaine. 75 % du milieu terrestre est ainsi « sévèrement altéré » à ce jour par les activités humaines, ainsi que 66 % du milieu marin. Outre ce rapport, l’IPBES fournit d’ailleurs régulièrement des études étoffées sur l’état de la biodiversité, en se basant sur des milliers d’articles scientifiques et sur l’évaluation d’experts chevronnés.

Toujours selon l’IPBES, des espèces changent régulièrement d’aire géographique sous l’influence de l’homme, rendant les écosystèmes assez instables. Un cas concret est observable avec le réchauffement de la mer Méditerranée. « Cet été, la Méditerranée affichait 26 à 28 degrés, une chaleur suffisante pour causer l’extinction progressive des hippocampes, du grand requin blanc ou encore de la superbe grande Nacre », relève France TV Info. Des espèces tropicales s’implantent dans cette zone, menaçant également la faune locale. De façon plus générale, le Centre d’Activités régionales pour les Aires Spécialement Protégées rappelle que la Méditerranée constitue « un des réservoirs majeurs de la biodiversité marine et côtière » mais qu’elle est actuellement soumise à une « érosion de la biodiversité », avec « au moins 306 espèces animales et végétales menacées ».

Le constat alarmant dressé par l’IPBES amplifie en outre les données relatives à la liste rouge des espèces de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), outil de référence pour connaître le niveau des menaces pesant sur les espèces. Les méthodes d’analyse statistique utilisée par l’IPBES prennent d’ailleurs en compte les critères standards de l’IUCN, précisent les chercheurs de l’ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités), très insistants sur l’importance du rapport de l’IPBES et auteurs d’une chronique mensuelle et d’autres articles autour de la biodiversité, en particulier pour le média universitaire The Conversation.

L’importance de cataloguer le vivant

A travers leur chronique intitulée « En direct des espèces », les chercheurs de l’ISYEB affirment avoir l’objectif de faire « comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant ». Un tel recensement permet de mieux appréhender la biodiversité, la connaître, la comprendre et donc de mieux la préserver. Dans cette perspective, l’apport de bénévoles est souvent essentiel. Les chercheurs de l’ISYEB expliquent notamment dans quelle mesure la récolte de données naturalistes à travers la « science citoyenne » – outre les informations qu’elle délivre sur la biodiversité – peut permettre de déceler l’apparition d’espèces invasives (frelon asiatique, punaise diabolique, …) afin de les gérer pertinemment.

Aujourd’hui, de nombreux naturalistes partagent directement leurs données sur des plateformes de science participative, comme faune-bretagne.org ou l’application mobile INPN Espèces, par exemple. Cette dernière a été développée par l’organisme éponyme dépendant du Muséum national d’histoire naturelle : l’Inventaire national du patrimoine naturel. Les observations transmises par les naturalistes, une fois validées par plusieurs experts scientifiques, ont permis d’étoffer un inventaire des espèces sauvages françaises. 54 416 données ont ainsi été diffusées le 12 novembre dernier, mettant au jour des informations « inédites au regard de celles déjà diffusées sur l’INPN ». Ces données permettent notamment d’analyser l’évolution des populations d’espèces, et de réaliser des classifications de l’ordre des listes rouges de l’UICN.

De façon plus conventionnelle, les naturalistes vont fournir des observations aux associations dont ils dépendent. Ce schéma permet un parcours de la donnée naturaliste qui court, en Bretagne, jusqu’à un Observatoire de l’environnement basé à Rennes, et dépendant de la Région et de l’État. Avec cette organisation pyramidale, l’Observatoire se fait l’agrégateur des données récoltées sur le terrain par les bénévoles du réseau associatif, dont découleront des rapports d’analyse à destination des décideurs public. Cette co-construction de la donnée permet notamment d’aboutir à des synthèses répertoriant, ici aussi, la liste des espèces menacées sur l’ensemble du territoire breton, dont pourra ensuite bénéficier l’UICN. L’Observatoire jouit d’une vue macroscopique primordiale, tant « la connaissance des espèces est encore inachevée », affirme le naturaliste Marc Cochu.

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