Education à l’environnement : l’école en voie de transition?

Le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer a annoncé fin août vouloir faire des écoliers « des acteurs de la transition énergétique »

Les établissements n’ont pas attendu cette annonce pour sensibiliser les élèves aux questions environnementales et à ce qui les entoure. Les programmes scolaires n’ont pas encore été réformés par l’Education Nationale qui souhaite les « reverdir ». Les moyens de financement de ce projet d’ampleur restent encore flous. 

 

« Les enfants sont en train de comprendre que leur environnement et la nature forment un tout », Jakez Lintanff, membre de l’association War dro an Natur.

Une vingtaine d’élèves du collège Yves Coppens de Lannion a mis la main à la pâte. Avec leur professeure de Sciences de la vie et de la terre (SVT), Catherine Cadiou et deux salariés de l’association War dro an Natur, spécialisée dans l’éducation à l’environnement, ils ont réhabilité la mare présente dans leur collège. Après avoir aménagé le milieu pour favoriser l’habitat des batraciens et insectes, les collégiens ont placé des plants de rubanier et de potamot pour développer la vie dans le bassin. « Les libellules vont remonter la tige quand elles vont prendre leur envol. On a également installé un nid propice à l’habitat du hérisson aux abords du point d’eau », détaille Jakez Lintanff, salarié et animateur de l’association War dro an Natur. 

Les élèves du collège Yves Coppens, en pleine réhabilitation de la mare avec l’aide Jakez Lintanff et de Patrice Quistinic, salariés de l’association War dro an Natur.

Le projet servira de base pédagogique aux cours de SVT pour l’année à venir. Une majorité des 20 élèves présents ce jour là ont pris conscience de l’existence d’êtres vivants dont ils n’avaient pas connaissance auparavant. 

Très vite autour de la marre, épuisette à la main, un élève observe une larve de libellule sortir de l’eau. « Comment elle fait pour vivre dans l’eau ? » demande-t-il à Patrice Quistinic, l’animateur présent sur le site. Habitué aux questions des enfants, celui-ci répond : « Son organisme est fait pour. Tu sais, toi aussi tu vivais dans l’eau quand tu étais dans le ventre de ta maman ». L’élève semble réfléchir pendant un instant avant de questionner l’intervenant : « Il y avait des algues aussi ? »

Des interrogations comme celle-ci, il en a régulièrement. Le rôle des membres des associations d’éducation à l’environnement est aussi dexpliquer le fonctionnement de la biodiversité. « On est passé d’enfants qui étaient en contact avec la nature, à des enfants beaucoup plus urbains », remarque Clément Couanon, animateur pour l’association Eau et Rivières de Bretagne.

 

La larve de libellule vit dans l’eau pendant deux à trois ans avant de muer pour devenir une libellule.

 

 

La libellule mue plusieurs fois avant d’adopter son évolution finale.

Sacha, accroupi devant la mare du collège Yves Coppens relâche dans l’eau un dytique qu’il a attrapé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sacha est en admiration devant un dytique, qu’il a capturé et mis dans un pot.  Les sorties en extérieur lui manquent: « Je préfère être dehors, plutôt que de rester enfermé en classe toute la journée », s’exclame t-il après avoir relâché l’insecte.

 

 

 

« Dans la classe que j’emmène pêcher aujourd’hui, je pense que plus de 80% des élèves n’ont jamais mis les pieds dans une rivière! » Clément Couanon

 

Les élèves ont pêché un alevin de truite dans la rivière. Clément Couanon (en blanc) leur explique leur cycle de vie.

 

Comme Jakez Lintanff et Pascal Quistinic, la mission de Clément Couanon, salarié de l’association Eau et Rivières de Bretagne est de sensibiliser les enfants à l’environnement et à la biodiversité locale. Diplômé d’un BTS « gestion et protection de la nature », il anime des classes de rivières organisées au centre d’initiation à la rivière à Belle-Isle-en-Terre (22).

Depuis la création du centre en 1987, la mission des intervenants à changé : « Avant on leur apportait des connaissances sur le milieu, aujourd’hui on privilégie le sensoriel », observe l’animateur.

 

 

Des directives ministérielles balbutiantes 

 

Malgré l’intervention ponctuelle d’associations pour sensibiliser les élèves aux enjeux de la biodiversité et l’environnement, au collège Yves Coppens, les actions ne suivent pas toujours les valeurs écologiques transmises aux enfants. « Depuis septembre il y a des poubelles de tri dans les classes, mais il y a un gros travail qui reste à faire au niveau du self car pour l’instant il n’y a pas de recyclage », remarque Catherine Cadiou.

 

Bruno Coquin, animateur au centre d’initiation à la rivière depuis trente ans, affirme : Les enfants entendent parler du réchauffement climatique à l’école, mais le sujet reste lointain, comme s’il n’était pas concret. L’Education Nationale est en retard sur le sujet c’est certain”.

 

Une nouvelle circulaire est lancée par l’Education Nationale cette année. Elle vise à développer les initiatives écocitoyennes au sein des établissements et à encourager la transition vers une école « modèle » en termes de gestes écologiques. « La dynamique est lancée et elle demande à être amplifiée », annonce David Guillerme, conseiller du recteur sur l’éducation au développement durable. « Avec la circulaire 2030, des éco délégués seront désignés dans chaque établissement et pourront engager des projets liés à l’environnement. L’un d’entre eux pourra siéger au comité de pilotage du rectorat », explique-t-il.

 

En Bretagne, cinq enseignants seront missionnés, sur la base du volontariat, pour aider les écoles de la région à développer des idées que le ministère veut « innovantes ». L’objectif : sensibiliser leurs élèves à l’environnement et obtenir le label E3D. Ce dernier certifie que l’école contribue au développement durable et l’encourage. Les professeurs recevront une indemnisation, encore inconnue, pour le travail qu’ils effectueront en parallèle de leur emploi à temps plein.

 

Un budget flou

 

A Lannion, la ville donne une enveloppe globale pour l’éducation. Cette enveloppe comprend une partie réservée à l’éducation à l’environnement. Un montant « difficilement chiffrable » selon la mairie car il est « noyé dans le reste du budget éducation ». La part du budget allouée pour l’éducation à l’environnement par la ville de Lannion reste donc floue. 

 

Christian Kervoelen est professeur d’histoire géographie au lycée Le Dantec à Lannion et secrétaire général adjoint de la FSU, première fédération syndicale en France de l’enseignement. Il n’est pas au courant de tous les aspects de cette nouvelle circulaire qu’il qualifie « d’effet de communication ». « Si l’on veut promouvoir le développement durable, il faut refonder les programmes et passer par les enseignants dans les classes, estime le professeur ». « Le mieux serait d’avoir un budget précis dédié au développement durable, car pour l’instant le financement reste totalement flou. »

 

Faire des écoliers des « acteurs de la transition énergétique » demande du temps : « inscrire le développement durable dans la pédagogie, a déjà commencé…mais cela ne se fera pas du jour au lendemain » , assure David Guillerme. En attendant que les directives de l’Education Nationale se mettent en place, la proposition de loi en faveur d’une formation à l’environnement et au climat dans l’enseignement supérieur a été déposée le 19 septembre par 73 députés.

 

Auteur·e·s: Marie Gendron, Valentin Monnier et Loréna Bordiec

 

 

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