L’affaire du siècle : une ligne directrice critiquée dans la politique énergétique française

Cette pétition lancée début décembre par quatre associations dans le but de poursuivre l’Etat pour « inaction climatique », rappelle que l’investissement en faveur d’une réduction des émissions liées à la production d’électricité n’est pas le point d’amélioration le plus pertinent pour le cas français.

Cette initiative a rapidement pris de l’ampleur. La pétition lancée par Greenpeace France, Notre affaire à tous, La Fondation pour la nature et l’Homme et Oxfam afin d’attaquer l’Etat en justice pour « inaction climatique » a dépassé le 10 janvier 2019 son objectif de deux millions de signatures. L’initiative, qui a vu quelques réponses auprès de plusieurs représentants de la sphère politique, et est louée par différents acteurs qui ont d’ailleurs contribué à son succès, a notamment fait écho à une critique principale qui avait été faite auparavant quant à la direction prise dans la politique énergétique française. Dans leur demande préalable indemnitaire, document sourcé présentant les raisons ayant amené à cette poursuite en justice, les quatre associations mettent en avant le peu de résultats obtenus par la France dans ses engagements internationaux et sa lutte contre les changements climatiques.

La France déjà bonne élève dans la production d’électricité

Le 20 décembre 2018, le collectif Science technologies actions (STA) se réjouissait de cette action « en tant qu’elle dénonce le caractère inadapté des moyens engagés par l’État, en regard de l’objectif qui leur est assigné ».

Pour celui-ci, « sans surprise, le bilan du suivi de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) a clairement mis en évidence l’absence totale de résultat du principal poste des dépenses publiques destinées à cette politique ».

Ce qui ressort notamment, c’est qu’en cherchant à promouvoir davantage l’usage des énergies renouvelables dans la production d’électricité, pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et respecter les différentes contraintes qui lui sont données, l’Etat français s’est trompé de combat. L’association Sauvons le climat le soulignait quant à elle le 23 décembre, en réponse à la pétition, le fait que le combat contre les émissions de CO2 dans la production d’électricité n’est pas pertinent : « Elle [La France] a pris ce retard parce qu’elle a concentré ses efforts sur l’électricité, en particulier le remplacement du nucléaire par les renouvelables électriques intermittentes (éolien et photovoltaïque). Or l’électricité en France ne cause que très peu d’émissions de gaz à effet de serre, car le nucléaire et l’hydroélectricité n’en produisent pas. » 

Ainsi, parmi ses voisins européens, la production d’électricité en France est l’une des moins émettrices de CO2 comme le montre cette carte issue d’un projet open-source présentant ainsi la situation de chaque pays européen avec une indication de la quantité d’émissions de CO2 rejetées par kilowatt-heure (kWh) produit.

Un message d’alerte de la Cours des Comptes

Dans un rapport daté de mars 2018, la Cour des Comptes dénonçait déjà le fait que les moyens alloués par l’État à la transition énergétique le sont essentiellement pour le mix électrique, et en particulier dans le cadre de l’objectif fixé par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte de réduire la part du nucléaire dans ce mix. Et ce, alors que ce secteur n’a, pour le cas de la France, qu’un faible impact sur les émissions des GES françaises. 

Sylvestre Huet, journaliste scientifique et membre de l’Association des Journalistes scientifiques, écrivait peu après  dans un article de blog que « le résultat est climatologiquement parlant dérisoire par erreur sur la cible de l’action, visant l’électricité au lieu de viser les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme le chauffage ou les transports routiers. Or, comme le système électrique français, dont le socle est constitué du nucléaire et de l’hydro-électricité, est déjà décarboné à près de 95%, il ne peut constituer une cible efficace pour l’action climatique. »

D’après les différentes sources citées plus haut, la France aurait plutôt intérêt à « investir dans la rénovation des logements et promouvoir l’usage des énergies renouvelables », comme le suggère la demande préalable indemnitaire de l’Affaire du siècle. L’association Sauvons le climat préconise quant à elle de favoriser « le remplacement des combustibles fossiles pour le chauffage et pour les transports par des énergies non émettrices (renouvelables thermiques, électricité, biocarburants …) ». Enfin le collectif Science technologies actions (STA) renouvelle son « Appel solennel pour une commission scientifique pluridisciplinaire et indépendante » envers l’Etat afin de « mettre en œuvre une expertise scientifique pluridisciplinaire et indépendante chargée d’évaluer les coûts, avantages et inconvénients des dispositions de la LTECV » pour contrer l’évolution de ces émissions de gaz à effet de serre.

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