Pêche pirate, catastrophe pour la biodiversité marine

D’après le dernier rapport 2018 sur la Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (SOFIA) rendu par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), 90,9 millions de tonnes de poissons ont été capturés en 2016. Au moins 15% de ces prises ont été faites de manière illégale. C’est ce que révèle l’organisation non gouvernementale (ONG) internationale World Wide Fund for nature (WWF).

La Commission européenne considère que la pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (pêche INN) est celle qui n’est pas autorisée, ne respecte ni les lois nationales en vigueur ni les règles de conservation établis par les organisations régionales de pêcheries. La pêche INN représentait 10 milliards d’euros et 19% des prises mondiales en 2015, ce qui est une menace réelle pour les ressources marines dans le monde. Même si les prises illégales ont diminuées depuis 2015, leur impact sur l’environnement demeure important. La pêche pirate cause la destruction de l’habitat marin et appauvrit les stocks de poissons qui sont pour la plupart entièrement exploités voire surexploités. Sans compter les conséquences que cela a sur les communautés côtières et la concurrence déloyale que cela crée pour les pêcheur·euse·s en règle.

Après le Sommet de la Terre en 1992, le Sommet mondial sur le développement durable en 2002 constitue le premier socle de réglementations à l’échelle internationale sur les problèmes environnementaux. Au niveau européen, la pêche est également réglementée par la Politique Commune de la Pêche qui œuvre pour la préservation des stocks de poissons mais aussi à la durabilité de la pêche sur le plan environnemental. Comment expliquer que ces accords ne soient pas respectés ?

Navires pirates face à la communauté internationale  

Les navires qui pratiquent la pêche de manière illégale, quel que soit leur pavillon, risquent des amendes proportionnelles à la valeur économique de leurs captures. Les amendes des infractions les plus graves peuvent atteindre un montant cinq fois supérieur à la valeur de la prise; et jusqu’à huit fois le montant en cas de récidive. De plus, la Commission Européenne établit une liste des pays non coopératifs dans la lutte de la pêche illicite, sanctionnant les pays (même non européens) d’un carton jaune ou rouge. Ces pays ont alors plusieurs mois pour être en règle.

L’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) mène des opérations contre les pêcheries illégales et met en place des stratégies pour lutter contre la pêche pirate considérée au même titre que la criminalité organisée. Le 16 octobre 2018, l’Office Européen de Police (EUROPOL) faisait part de l’opération internationale Tarantelo qui a eu lieu en Espagne en juin dernier. Elle a permis l’arrestation de 79 personnes et le démantèlement d’un trafic de thon rouge s’élevant à 80 tonnes. Malgré les opérations et les sanctions mises en place, la pêche pirate perdure et menace la biodiversité. La pêche illégale nuit également aux vertébrés car les poissons sont capturés trop jeunes. On estime à 35% les prises qui vont à perte.

La surpêche et ses effets néfastes

Certaines espèces de poissons sont gravement menacées dans les quatre coins du monde, notamment dû aux habitudes alimentaires des hommes. La disparition du thon rouge dans l’océan Pacifique s’explique par la consommation accrue de sushis et sashimis au Japon par exemple. Près de 90% de nos stocks mondiaux sont exploités ou surexploités. A l’heure où l’activité de prélèvement d’une ressource sauvage s’est transformée en ressource industrielle, certaines actions tentent de barrer la route à l’activité illégale de pêche. Des organisations non gouvernementales comme WWF ou Greenpeace défendent la biodiversité marine. WWF voudrait qu’un étiquetage soit fait sur les poissons afin que les consommateur·rice·s favorisent une pêche responsable. L’ONG lutte pour la création de sanctuaire en haute mer pour garantir l’avenir des espèces.

Lancé en 2017, le Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement est une initiative de la FAO. Il permet de répertorier et d’identifier tous les navires afin de déterminer ceux pouvant potentiellement avoir des activités illicites. Il permettra l’application de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. C’est le premier accord international contraignant à cibler la pêche illicite.                            

Malgré une pêche pirate toujours présente sur le marché mondial, certaines mesures sont prises en faveur de la biodiversité marine. En témoigne la plateforme de recherche Stella Mare, se trouvant en Corse, où les chercheur·e·s réfléchissent à la pêche de demain. “La contribution est à la fois en faveur de l’homme mais aussi de la nature, l’opposition de l’un contre l’autre se révélant bien souvent contre-productive” précise Antoine Aiello, directeur de la plateforme. La Commission Européenne a également adoptée de nouvelles règles pour une pêche raisonnée dans neuf régions du monde. Dans l’Océan Indien, les Seychelles font preuve d’exemplarité avec leur obligation bleue, pour une pêche durable favorisant le local. Une économie bleue qui tend à se développer dans d’autres pays du monde.

La question est de savoir s’il est encore possible de préserver les espèces marines, dans une société qui semble vouloir les détruire chaque jour un peu plus…

 

Lena Thébaud

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