La pêche, activité plus verte que l’agriculture ?

Les activités halieutiques emploient 60 millions de personnes à travers le monde. (© Julian Rees / Pixabay / CC0)

Le Comité National des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (CNPMEM) a publié le 17 octobre dernier les résultats de son étude nationale sur les impacts environnementaux des produits issus de la pêche en mer. D’un point de vue écologique, le bilan s’avère positif comparé à celui des produits carnés issus de l’agriculture.

Entre 2016 et 2018, le CNPMEM a évalué les performances environnementales de la pêche française à travers son programme ICV (Inventaire du Cycle de Vie) Pêche qui a regroupé professionnels du secteur et scientifiques. Pour mener au mieux leur étude, ces derniers se sont appuyés sur un échantillon de 15 pêcheries – dont la coquille Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc – représentatives des différentes activités de la filière en les associant à une zone de pêche et un engin de pêche. L’objectif ? Acquérir une meilleure connaissance des impacts des activités de pêche sur l’environnement afin de pouvoir mettre en place les pratiques adéquates.

De grosses disparités à cause du gasoil

Sans grande surprise, le poids du gasoil est prépondérant dans l’influence qu’exerce l’activité halieutique sur l’environnement. « L’impact environnemental est surtout lié au rendement gasoil », déclare Thomas Cloâtre, chargé de mission au CNPMEM qui a participé à l’étude. Et pour cause, selon les chiffres de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), la consommation moyenne de carburant pour 1 kilogramme de poisson pêché est de 0,5 litre. Cependant, cette moyenne varie en fonction des espèces pêchées et des bateaux utilisés. Ainsi, selon les résultats compilés, les pêcheries qui ont le plus faible impact environnemental global sont celles ciblant les poissons bleus à l’instar de la sardine, du hareng ou encore le maquereau. En effet, elles demandent moins de carburant du fait d’un temps de route raccourci vers les zones de pêches et leurs tonnages sont plus faibles que d’autres espèces. Au contraire du thon germon qui demandent plus de temps de navigation ou encore la sole.

Les produits de la pêche plus écologiques que les produits carnés

C’est peut-être l’enseignement majeur, aussi surprenant soit-il, de cette étude. Les pêcheries ont des performances environnementales pour la majorité, meilleurs que les produits carnés issus des productions animales terrestres. Hormis les gadidés pêchés en mer Celtique, toutes les pêcheries de l’étude ont un impact inférieur aux produits carnés dans l’eutrophisation des eaux, c’est-à-dire le trop-plein de nutriments dans le milieu aquatique, causée principalement par le phosphate. Par exemple, une tonne de coquille Saint-Jacques pêché dans la baie de Saint-Brieuc, qui est l’un des produits de pêche le plus polluant de l’étude, produit un peu moins de 100 kilogrammes de phosphate. Alors que le poulet, qui est le produit carné le moins polluant après le porc, produit 300 kilogrammes de phosphate par tonne consommable. Des résultats en adéquation avec une autre étude datant de juin 2018, The environmental cost of animal source foods, menée par un groupe de chercheurs américains avec à sa tête Ray Hilborn. En prenant en compte les impacts environnementaux de toutes les étapes de la vie d’un produit, ils sont parvenus à montrer qu’une alimentation à base de poissons d’élevage ou sauvage avait un impact environnemental inférieur à celui des régimes à base de plantes.

Des résultats à nuancer

Ainsi, si les résultats constatés paraissent encourageants, il est néanmoins nécessaire de les nuancer. En effet, l’étude du CNPMEM n’a pas analysé l’impact de la pêche en mer sur les habitats et les écosystèmes tout comme les variabilités (navires, pratiques, rendements)  qui existent au sein d’une même pêcherie. De plus, selon une étude d’avril 2018, publiée dans la revue Nature par un collège de chercheurs américains, la production alimentaire est responsable d’un quart des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Et la pêche n’est pas exemptée de tout reproche car sur la seule année 2011, les auteurs de l’étude estiment que la pêche a consommé 40 milliards de litres de carburant et généré un total de 179 millions de tonnes de CO2 soit 4% des émissions de GES engendrées par la production alimentaire mondiale.

Des efforts restent donc à mener pour rendre encore plus propre l’activité halieutique qui emploie 60 millions de personnes dans le monde.

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