Economie d’eau – Les Côtes-d’Armor, champion de la réduction des pertes d’eau

Un litre d’eau sur cinq acheminés dans les réseaux armoricains est perdu. Fuites, travaux, purges, les pertes sont inévitables. En 2012, un décret a été publié pour la réduction des pertes en eau. Un plan d’action qui montre aujourd’hui ses faiblesses. Pourtant, le département des Côtes-d’Armor est un des meilleurs élèves de France.

La carte du réseau d’interconnexion départementale des Côtes-d’Armor en 2017 @SDAEP22

La carte du réseau d’interconnexion départementale des Côtes-d’Armor en 2017 @SDAEP22

Douche, évier, électroménager, travaux… L’eau arrive à volonté chez les abonné·e·s. Mais pour y arriver, son chemin est long. Des milliards de litres d’eau sont perdus chaque année sur le réseau national. Dans les Côtes-d’Armor, cette perte représente plus de 5 milliards de litres. L’acheminement en eau se fait par des réseaux souterrains, souvent victimes de problèmes de fuites liés à la vétusté ou divers accidents. Par exemple, lors de chantiers ou travaux, les canalisations sont régulièrement touchées. De plus, au cours des purges ou nettoyages de cuve, de l’eau s’écoule et participe aux pertes. Alors que 79  % de l’eau acheminée arrive à destination en France, les Côtes-d’Armor en fait parvenir 85,5  %. La raison ? Un réseau récent, datant des années 1960. Avec 18 838 km de tuyaux, les pertes sont implacables. Dépasser un taux de 90  % est très compliqué, voire même impossible. Pour Patrick Eisenbeis, ingénieur en économie d’eau au SMEGREG, la performance armoricaine est presque parfaite. « C’est un excellent chiffre, surtout avec le milieu rural. La taille du réseau pour relier les habitants y est beaucoup plus élevé qu’en milieu urbain. Les pertes d’eau sont donc plus importantes », commente-il. A Lannion, deuxième ville des Côtes-d’Armor, le taux de rendement a atteint les 88  %. Un bon chiffre qui s’explique surtout par son urbanité.

Le problème des zones rurales

Le vrai problème provient des petites communes bretonnes en zone rurale. Moyennant des grands besoins de réseaux entre chaque habitations, ce sont elles qui perdent le plus de m3 d’eau. Avec un taux de rendement à 65-70 %, il est impératif d’atteindre un taux correct dans ces villages plutôt que d’augmenter des taux déjà élevés dans les grandes villes. Le gouvernement a essayé de répondre à ce problème avec un décret sur la réduction des pertes d’eau, en 2012, dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Celui-ci incite les collectivités à « faire un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l’eau » et « un plan d’actions pour la réduction des pertes d’eau potable ». Faute d’aide financière, il n’a eu qu’un faible impact. La seule obligation qu’ont les collectivités : avoir un rendement supérieur à 70  %, sous peine de sanction financière.

« Sans investissement, les pertes seront de plus en plus nombreuses » – Joël Rivallan, directeur du Syndicat départemental d’alimentation en eau potable des Côtes-d’Armor (SDAEP22)

Infographie pertes d'eau, rendement des réseaux et renouvellement des réseaux

Chiffres pertes d’eau des Côtes-d’Armor en 2016.

Des investissements nécessaires

« Depuis 2012, l’Etat ponctionne l’argent issu de la redevance des abonnés aux agences de l’eau »- Patrick Eisenbeis, ingénieur en économie d’eau au SMEGREG

Les collectivités et les syndicats ne reçoivent donc aucune aide supplémentaires de l’Etat pour parvenir aux objectifs voulus. Pire, elles ont de moins en moins d’argent pour les investissements. « Depuis 2012, l’Etat ponctionne l’argent issu de la redevance des abonnés aux agences de l’eau », affirme Patrick Eisenbeis. Ce prélèvement de l’Etat représente près de 200 millions d’euros par an. C’est une ressource économique en moins pour les collectivités, ce qui réduit les moyens engagés pour des travaux d’entretien contre les fuites. Car les agences de l’eau subventionnent l’entretien des réseaux avec la recette des abonné·e·s et les endettements des communes. Pour les Côtes-d’Armor, la dette pour l’assainissement représente plus de 130 000 000 €. Le manque d’investissement dans l’entretien des réseaux vient aussi d’un manque d’implication de certaines communes. Les plus petites villes préfèrent parfois réduire la facture d’eau des habitant·e·s. Pour Patrick Eisenbeis, c’est un très mauvais calcul : « les collectivités qui se vantent d’avoir l’eau la moins chère, ne pensent pas sur le long terme. Au bout d’un moment, les réseaux mal entretenus coûtent plus cher aux abonnés… ». Les syndicats restent donc en constante discussion avec ces petites communes pour maintenir leur contribution et ainsi une capacité d’investissement. « Pour le moment, c’est le plus important. Sans investissement, les pertes seront de plus en plus nombreuses », insiste Joël Rivallan, directeur du Syndicat départemental d’alimentation en eau potable des Côtes-d’Armor (SDAEP22).  Il faut également noter que la durée de vie d’une canalisation est estimée à 75 ans. Le réseau breton est déjà arrivé à ces dates.

La consommation des habitant·e·s en baisse

« il y a trois facteurs qui expliquent la baisse de la consommation » – Joël Rivallan, directeur du Syndicat départemental d’alimentation en eau potable des Côtes-d’Armor (SDAEP22)

En attendant, les collectivités ne restent pas les bras croisés face au problème. Même si les tuyaux sont le facteur numéro un des pertes, elles agissent pour réduire les gaspillages. Dans les Côtes-d’Armor, la consommation des utilisateur·ice·s baisse tous les ans, de 110m3 en 2009 contre 105m3 en 2016. Selon Joël Rivallan : « il y a trois facteurs qui expliquent la baisse de la consommation : la sensibilisation, les électroménagers qui consomment moins et la facture d’eau qui augmente ». Des actions concrètent sont également mises en place dans les villes comme Lannion : « Nous prenons des initiatives : changer toutes les chasses d’eau dans les bâtiments de la ville ou encore arroser les espaces verts la nuit de manière à limiter l’évaporation », explique Christian Meheust, conseiller délégué Eau et Assainissement de la ville bretonne. Le travail sur la consommation des armoricain·e·s est donc en bonne voie. Cependant, compte tenu du vieillissement des réseaux, les communes vont devoir continuer à fournir des efforts pour entretenir les tuyaux et réduire les pertes en eau. Lannion a investi 42 millions d’euros dans le plan pluriannuel d’investissement. Il s’étend jusqu’en 2020, année de réorganisation de la compétence en eau.

 

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Le taux de rendement c’est quoi ?

Les rendements représentent le pourcentage d’eau qui arrive à destination, le reste représente les pertes (fuites, tests, purge, nettoyage des réservoirs, traitements…). Il permet donc de faire un constat des pertes d’eau sur le réseau.  

 

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Une réorganisation futur

Prochainement, une modification importante redonnera la main à chaque communauté de communes. Les EPCI prendront la gestion de l’eau au détriment des syndicats. « C’est une  redistribution de la carte, cela simplifie le schéma administratif et permettra de mutualiser les moyens pour faire des investissements », explique Joël Rivallan. Christian Meheust, conseiller délégué Eau et Assainissement de la ville bretonne affirme que Lannion Trégor Communauté va prendre la compétence de l’eau en 2020. Pour les plus petites communes, le changement arrivera plus tard, jusqu’en 2026.

Pierre Girault et Olympia Roumier 

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