Les enfants mangent trop de viande à la cantine

Depuis la rentrée de novembre, les élèves qui fréquentent les restaurants scolaires se verront proposer un repas végétarien par semaine. Cette mesure permet d’impulser une amélioration à la fois climatique et sanitaire, mais doit bénéficier d’un réel accompagnement par les pouvoirs publics.

La législation pour changer son alimentation. Le 1er novembre 2019 a été promulguée la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Loi EGAlim. Elle impose aux gestionnaires, entre autres, la diversification des protéines et l’instauration d’un menu sans viande ni poisson dans toutes les cantines scolaires.

« Art. L. 230-5-6.-A titre expérimental, au plus tard un an après la promulgation de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, pour une durée de deux ans, les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire sont tenus de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien. Ce menu peut être composé de protéines animales ou végétales.

« Art. L. 230-5-4.-Les gestionnaires des restaurants collectifs dont les personnes morales mentionnées aux articles L. 230-5-1 et L. 230-5-2 ont la charge servant plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année sont tenus de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent.

Une loi qui était nécessaire. Un rapport de Greenpeace sur la surconsommation de viande dans les restaurants scolaires, publié en décembre 2017, mettait le doigt sur les nombreux problèmes engendrés par l’industrie de la viande. Elle souligne notamment les impacts environnementaux (détérioration des ressources en eau, déforestation, changement climatique) mais également les conséquences sur la santé. Trop consommer de viande ou de poisson entraîne une augmentation des maladies chroniques comme l’obésité qui a quasiment doublé en une vingtaine d’années. Il est en outre estimé que 20 à 25 % des cancers en France sont imputables aux comportements alimentaires.

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Dans près de 70% des cantines, les enfants sont obligés de manger de la viande tous les midis.

Les plus jeunes ne sont pas épargnés. Avant dix ans, selon l’étude INCA 3, les enfants consomment entre deux et quatre fois trop de protéines, en se fondant sur les apports nutritionnels recommandés par l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Ces déséquilibres alimentaires ne sont pas sans conséquences : d’après The American journal of clinical nutrition, trop de protéines animales et notamment celles issues des produits laitiers pourraient causer des problèmes de surpoids, risque évité si l’on consomme des protéines végétales.

Trop de viande dans les menus

Comment expliquer alors une telle omniprésence des produits carnés dans l’alimentation des enfants dans les cantines ? Il faut aller chercher du côté des menus. Selon Greenpeace, avant la loi de novembre 2019, 69% des écolier·ère·s devaient manger de la viande ou du poisson tous les jours.

Le quotidien Reporterre le révélait début novembre 2019, cette surabondance de produits d’origine animale trouve son explication dans les équipes de rédaction des recommandation nutritionnelles.

Un groupe a donc été créé en 2007 pour traduire concrètement les recommandations des autorités de santé publique, et notamment le Programme national nutrition santé, rendu obligatoire par un décret et un arrêté en 2011. Aucun contrôle rigoureux n’a cependant été effectué. Ni l’Anses, ni le ministère de la Santé n’ont validé les options retenues. Et personne n’a vérifié non plus la composition de ce groupe.

50% de représentant·e·s de la viande

L’organisation internationale Greenpeace a pu se procurer les relevés de présence des membres de ces réunions. Dans ce rapport, Greenpeace remarque que les représentant·e·s des ministères de la Santé et de l’Agriculture avaient assisté à moins de 3 réunions sur les 7, que les 3 représentant·e·s scientifiques n’avaient assisté qu’à une seule réunion sur les 7 et que seul·e·s 3 nutritionnistes ont assisté à au moins la moitié des réunions. Cela a conduit les filières viande et produits laitiers à peser autant que les nutritionnistes.

Sans titre

La loi impose désormais aux restaurants scolaires de proposer un repas végétarien par semaine.

 En conséquence, les quantités de viande et de produits préconisées étaient bien trop élevées, en engendrant trop d’apports en protéines et du gaspillage tant alimentaire qu’économique, les enfants ne pouvant pas consommer autant de nourriture.

Aujourd’hui, le ministère de la Santé a publié un nouveau Programme national nutrition Santé pour la période 2019-2023. Un groupe de travail dédié a été constitué, avec des membres de l’ancien groupe mais également des représentant·e·s d’associations telles que Greenpeace ou l’Association Végétarienne de France.

Faire accepter les plats végétariens

Pourtant, si le changement d’alimentation s’ancre dans la loi, il faut encore faire accepter ces nouveaux plats aux enfants, qui sont largement plus exposés au risque de carences en fibres qu’en protéines. C’est aussi le rôle des restaurants scolaires de participer à l’éducation alimentaire et de faire découvrir la gastronomie végétarienne. Sur un site dédié, Greenpeace répertorie les sources de protéines les plus fréquentes (top 3 : œufs, fromage et lentilles) mais également les repas qui peuvent être proposés au jeune public. L’ONGI écologiste liste ainsi des boulettes, des raviolis, des nuggets végétaux… Des codes alimentaires qui permettent d’acclimater les plus jeunes à une autre manière de manger.

Les restaurants scolaires sont aussi le lieu de nouvelles découvertes gustatives pour les enfants.


Il est nécessaire aussi que les cuisinier·ère·s soient mieux formé·e·s à la nutrition végétarienne et végétalienne. « Sans cela, le risque existe que des menus végétariens de mauvaise qualité soient mis en place, avec l’omniprésence d’omelettes et de plats préparés industriels de type galettes de soja ultra-transformées » souligne Greenpeace.

Ce changement dans les menus est corrélé au changement des mentalités sociétales sur la question de la viande. Un sondage publié en 2018 prouvait ainsi que 59% des Français·e·s étaient favorables à l’introduction d’un repas sans viande ni poisson chaque semaine.

Lena Plumer-Chabot

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