« Il n’y a pas d’histoires qui durent 50 ans, sans renouvellement »

Manque de temps, modes d’actions différents… Plusieurs raisons peuvent expliquer le peu d’investissement des jeunes au sein de l’association Eau et Rivières. Pourtant, des efforts sont mis en place par l’organisation, afin d’attirer cette relève.

Les slogans fusent dans les grandes villes de France. « On est plus chaud, plus chaud, plus chaud que le climat », « Et 1 et 2 et 3 degrés, c’est un crime, contre l’humanité». La jeunesse est de sortie et compte faire entendre sa voix. Les pancartes levées « Fin du monde, fin du mois, même combat”, Tryo sur l’enceinte de la manifestation, les jeunes s’emparent de la cause écologique. Les modes d’action sont frontaux : manifestations sur le terrain avec parfois des actions coups de poing et des blocages. Les revendications sont universelles : réchauffement climatique, feu de forêt en Amazonie, pollution…

Du côté d’Eau et Rivières, « au moins la moitié des militant·e·s sont retraité·e·s », pour Arnaud Clugery, directeur de l’association. Une moyenne d’âge élevée qu’il s’explique par le manque de temps des jeunes dans la vie associative, mais surtout par la technicité des dossiers abordés. Les jeunes n’ont pas suffisamment de temps à investir, encore moins pour se cantonner à de la paperasse. « L’aspect juridique refroidit bon nombre de jeunes », juge le juriste de l’association. Il poursuit : « Les textes sont difficiles, toute cette paperasse n’intéresse pas la jeunesse ». Ces derniers privilégient l’action radicale, « à Eau et Rivières, c’est le discours qui est radical. » Le juriste de l’association regrette ce désintérêt de la jeunesse pour l’aspect administratif de la lutte. « La législation est universelle, tout le monde peut l’étudier et se l’approprier, cela ne doit pas être une barrière à l’engagement des jeunes dans notre association. »

 

Pour Anaïs Theviot, maîtresse de conférences à l’UCO d’Angers : «  Internet permet aujourd’hui de gagner en visibilité et d’organiser les mobilisations. Sans rendre l’action de terrain obsolète pour autant (…) Autre changement pointé du doigt, celui des moyens d’action, marqués par l’arrivée d’un nouvel outil de communication et d’organisation des luttes : Internet. Parallèlement, d’autres moyens de participation politique citoyenne et militante perdurent aujourd’hui : grèves, manifestations, sit-in, occupations d’usines… Enfin, on constate désormais une autre articulation des échelles de mobilisation, avec à la fois une localisation et une internationalisation des luttes. (…) Les adhérent·e·s seraient moins enclins à s’investir durablement dans les structures partisanes et chercheraient une forme d’engagement plus allégée ou plus personnalisée, en fonction de leurs centres d’intérêt ».

Les jeunes ont toujours eu leur place au sein du militantisme de l'association. ©DR

Certain·e·s jeunes militant·e·s s’engagent tout de même aux côtés de l’association, notamment grâce au service civique. Ce dispositif permet à cinq jeunes de travailler pour Eau et Rivières chaque année. Leur rôle ? Attirer la jeunesse en mettant en place des ateliers « éco-volontaires ». Des activités sont ainsi proposées chaque mois pour s’investir dans la protection de l’environnement. Mathieu Briand, 24 ans, a été volontaire dans les locaux de Brest. « L’année de mon service civique, nous avions comme projet d’entretenir une zone humide », raconte-t-il. « J’ai ainsi dû recruter des jeunes, on était une dizaine. » Depuis cette expérience, il est adhérent à l’association Eau et Rivières. « Je n’ai pas vraiment le temps de m’investir à cause des cours et du quotidien, déplore-t-il, mais je continue quand même les ateliers éco-volontaires. » 

 

Les temps changent, les actions aussi 

 

Le manque de jeunes dans l’association Eau et Rivières ne se traduit pas pour autant par un manque d’engagement de la jeunesse. Iels sont plusieurs milliers dans les rues de France, les vendredis, pour exprimer leur mécontentement face à ce qu’iels jugent de l’inaction « climato-politique”. Youth For Climate mobilise les troupes. Patrice Desclaud, militant historique d’Eau et Rivières, voit en ces jeunes la relève : « Je suis heureux de voir qu’un certain nombre de jeunes comme Greta Thunberg ont conscience de ça et engueulent avec justesse notre génération. » Arnaud Clugery, directeur opérationnel, est du même avis. Pour autant, « marcher en ville, ça ne suffira pas. Lorsque les militant·e·s souhaiteront s’investir dans le dialogue environnemental, iels seront les bienvenus ».  

 

L’expertise de l’association peut être rédhibitoire pour ces jeunes. « Je ne pense pas avoir assez de connaissances pour m’investir dans une association comme Eau et Rivières », explique par exemple Lola, militante Youth For Climate Lannion. « Cela demande du temps, une marche demande moins d’investissement. Et puis, Youth For Climate traite du réchauffement climatique au sens large. Eau et Rivières me paraît trop spécifique. » 

Si les jeunes ne semblent pas être aujourd’hui intéressé·e·s par ses modes d’action, l’association Eau et Rivières de Bretagne perdure depuis 50 ans. Arnaud Clugery l’assure : « Il n’y a pas d’histoires qui durent 50 ans, sans renouvellement ».

Kilian Le Bouquin

Morgane Moal

Bastien Blandin

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