COP 24 : les pauvres demeurent la tête sous l’eau

La conférence de Kawotice (Pologne) sur le climat, du 3 au 14 décembre 2018 n’a donné que peu d’espoirs pour ralentir le réchauffement climatique et protéger la planète. Retour sur l’océan qui sépare gouvernements et populations.

 

Entre réunions et conférences, les 200 pays présents à la COP 24 avaient une tâche prioritaire : mettre en application l’Accord de Paris adopté à la COP 21. Et le samedi soir 14 décembre, la notice d’application de l’Accord de Paris a été adoptée.

 

Une déception partagée, la planète toujours en danger

 

Mais ce sommet était porteur de bien d’espoirs à l’heure où le rapport du GIEC ne fait qu’alarmer sur la situation environnementale de la planète. (Rapport peu reconnu durant la conférence de clôture, où notamment les États-Unis, la Russie, le Koweït et l’Arabie Saoudite ont fait barrage.). montrant à quel point un réchauffement au-delà de 1,5 °C serait dangereux pour chacun d’entre nous, mais constituerait surtout une question de vie ou de mort pour les populations les plus pauvres du monde. Limiter le réchauffement à 1,5 °C signifie 420 millions de personnes en moins exposées à des vagues de chaleur extrêmes, jusqu’à 39 % de personnes en moins affectées par des sécheresses, jusqu’à 457 millions de personnes en moins forcées de vivre dans la pauvreté.

 

Porteur d’espoirs aussi quand les Nations Unies rappellent aux Etats de multiplier leurs efforts s’il l’on veut ne pas dépasser les 2 degrés de réchauffement climatique. Et pour l’instant, les chances s’amenuisent.

 

Dorothée Mosan, envoyée spéciale à la COP 24 pour Reporterre dresse un bilan décevant de ce sommet.

« Au premier plan, des ministres et des délégués nationaux qui s’enlacent, s’embrassent ou se tapent sur l’épaule, pour se féliciter de l’accord obtenu de haute lutte. De l’autre, des ONG et des pays quasi-condamnés par le changement climatique, la tête basse, qui encaissent pour la énième fois un uppercut dans l’estomac. Samedi soir, après avoir suivi durant deux semaines la 24e conférence onusienne sur le Climat, j’ai vu le rideau tomber sur cette scène jouée mille fois : celle de la fracture entre deux univers irréconciliables, le monde politique des négociations internationales et celui la société civile, humain et ancré dans le réel. »

 

Aucune promesse sur la réduction des émissions n’a été engagée. Les engagements actuels des États nous conduisent vers un réchauffement de 3,2°C à la fin du siècle.

 

Les droits humains oubliés

 

Les ONG pointent un gros point : cette COP 24 est passée à côté de la justice sociale, intrinsèquement liée à la justice climatique.

 

La géographe, économiste et écrivaine Sylvie Brunel pointe dans ses travaux à quel point la lutte contre la pauvreté fait partie intégrante de la lutte pour l’environnement. Les pays du Sud sont submergés par les problèmes économiques et ne peuvent surmonter la transition écologique seuls. De plus, des systèmes respectueux de l’environnement engendreraient des économies, pour les États et les populations. Les Pays du Nord se doivent de lutter contre la pauvreté pour engager un développement durable. Ce sont eux qui, à l’ère industrielle, ont entraîné la planète dans une pollution irrespirable. 

 

Responsabilité des pays du Nord jugée trop petite par les ONG. « En matière de solidarité, nous saluons les 128 millions de dollars promis au Fonds pour l’Adaptation, notamment par la France, mais c’est une goutte d’eau par rapport aux 300 milliards de dollars par an qui seront nécessaires pour répondre aux besoins en adaptation des pays les plus vulnérables d’ici 2030 » pointe du doigt l’ONG Care. 

 

Les pays les plus vulnérables sont donc mis à l’écart, dans l’impossibilité de financer une transition écologique, toujours devant faire face à de lourds problèmes de pauvreté – et donc, par la suite, de migrations, économiques ou climatiques. Et l’un ne pourra se régler sans l’autre.

 

Oxfam France dénonce « les pays riches honteux face aux pays les plus vulnérables aux changements climatiques ». « C’en est assez. Pour que nous puissions continuer à espérer que ces négociations insufflent les changements nécessaires pour sauver des millions de vies, les représentants des Etats doivent, une fois rentrés chez eux, suivre la dynamique des nations les plus vulnérables et immédiatement travailler au renforcement de leurs engagements. Nous n’avons plus le luxe d’attendre ; tout mois perdu porte le risque d’accroître les impacts des changements climatiques pour les populations du monde entier », conclut Emilie Both, chargée de plaidoyer climat pour Oxfam France. Caritas climat prononce les mêmes conclusions : « Face à l’urgence climatique, les États se dérobent devant leurs responsabilités ».

 

Pas d’avancée pour l’agriculture, secteur très pollueur

 

En ce qui concerne la nourriture et plus particulièrement l’agriculture, Réseau Action Sortir du climat dénonce un aspect important : « la quasi-totalité des États qui négocient à la Convention Climat de l’ONU cherche à préserver leur modèle agricole et n’ont pas l’intention de s’engager dans une transition agroécologique paysanne, loin du commerce international. »

 

A noter que 821 millions de personnes continuent de souffrir de la faim à travers le monde. Les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme : l’agriculture telle qu’elle est produite aujourd’hui pollue énormément l’eau, mais aussi les sols… et représente une menace donc pour l’environnement.

L’élevage représente 35% de la déforestation dans le monde, et 70% de celle de l’Amazonie d’après World Ressource Institute en 2005. Cette pratique contribue à 14,5% dans les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique.

Et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) est claire, il est possible de réduire de 30 % ces rejets, en utilisant plus largement les meilleures pratiques et technologies existantes. Elles sont utilisées par seulement 10 % des producteurs et productrices pour l’instant.

 

Une inaction des États dont largement la France donc que les ONG dénoncent. Une déception dont Greenpeace fait en pointant du doigt que « malgré l’urgence, les États tournent le dos aux attentes des populations ». Clément Sénéchal, chargé de campagne climat pour Greenpeace France résume les regrets restés au fond de la gorge de tous les spectateurs et spectatrices d’une planète en extrême danger. « Un fossé se creuse dangereusement entre la réalité du changement climatique décrite par la science, avec ses conséquences dramatiques pour les populations dans certaines régions du monde, et l’action politique. La COP 24 a donné le triste spectacle d’une incompréhension entre des pays qui défendent leurs intérêts économiques et industriels, et des pays vulnérables qui jouent leur survie. Au final, ce sont les peuples qui sont abandonnés ».

 

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