En Bretagne comme en Europe, l’eutrophisation menace les cours d’eau

À différentes périodes de l’année, certaines plages bretonnes se parent d’une étrange végétation : les algues vertes. Parfois dangereuses pour les êtres vivants, ces ulves sont le résultat de l’eutrophisation, une pollution des cours d’eaux par les matières phosphorées. Ce phénomène touche encore assez fortement la Bretagne et de nombreux pays européens. 

Cette année encore, les algues vertes ont envahi la plage de Saint-Michel-en-Grève, dans les Côtes-d’Armor. Particulièrement touchée depuis les années 1960 et l’apparition du phénomène, cette baie a notamment vu mourir un cheval sur ses côtes en 2009, après qu’il a respiré les effluves des algues en décomposition.

La plage de Saint-Michel-en-Grève, le 19 septembre. ©Aurélien Defer

La plage de Saint-Michel-en-Grève, le 19 septembre. ©Aurélien Defer

Selon Sylvain Ballu, chercheur au Ceva (Centre d’études et de valorisation des algues), «Saint-Michel-en-Grève est par sa configuration la baie la plus sensible aux proliférations d’algues vertes». Mais la présence d’algues vertes sur les plages bretonnes est aussi et surtout intimement liée à la pollution en nitrates et en phosphores dans les bassins versants. C’est ce que les scientifiques appellent l’eutrophisation. Selon le CNRS«les phosphates sont les principaux responsables, en France et dans le monde, des phénomènes d’eutrophisation».

Pour endiguer ce phénomène, le scientifique du Ceva ne voit «qu’une solution effective à long terme»«la diminution des taux de nitrates et de phosphores dans les cours d’eau des bassins versants». Or, les taux de matières phosphorées dans les cours d’eau bretons sont encore élevés, malgré des plans, notamment agricoles, pour réduire la pollution. En 2015, plusieurs cours d’eau affichaient des taux de matières phosphorées alarmants, selon l’Observatoire de l’environnement en Bretagne.

Sur cette carte, on peut par exemple relever le cas d’Hillion (en rouge foncé), une station balnéaire qui a beaucoup souffert de la prolifération des algues vertes au cours de la dernière décennie. En 2016, un joggeur avait été retrouvé inanimé sur la plage. Bien que certaines associations écologistes aient soupçonné un lien avec la présence d’algues vertes en décomposition, l’affaire a été classée sans suite. Sept ans auparavant, la mort de 36 sangliers dans cette même baie avait suscité l’interrogation des acteurs locaux. 

Mais la pollution des cours d’eau par les matières phosphorées, que l’on retrouve dans certains engrais agricoles, détergents, lessives, ne touche pas que les Bretons.

En Europe, la Macédoine et la Belgique championnes des eaux polluées au phosphore

Selon les données d’Eurostat, l’office statistique de l’Union Européenne, les cours d’eau français sont d’ailleurs moins pollués que certains pays européens, comme la Macédoine, la Belgique ou encore le Royaume-Uni.

En 2014, la Macédoine affichait un taux de phosphate de 0,297 mg/L dans ses cours d’eau, soit le niveau le plus élevé parmi les pays du vieux continent. Et les conséquences sur l’environnement sont importantes. Le lac d’Ohrid, l’un des trois fleuves les plus vieux au monde, connaît depuis quelques décennies une augmentation importante de son taux de phosphore. En 2004, un rapport de l’Unesco présentait la situation ainsi :

«Historiquement, le lac d’Ohrid était connu comme un lac « oligotrophique », ou comme un lac à eau claire. Il est vraisemblable que le lac d’Ohrid ait « vieilli » de milliers d’années dans les dernières décennies car les comportements humains ont fortement accéléré l’eutrophisation.»

Plus à l’Ouest, la Suisse et son lac Léman ont également souffert de ce type de pollution aquatique. «Dès 1950, il [le lac Léman] a présenté une dégradation de son état sanitaire, puis une nette augmentation des teneurs en phosphore pour atteindre un maximum en 1979 (89.5 µgP/L)», lit-on dans un article publié par des chercheurs de l’Université de Genève et intitulé «La protection du Léman, priorité à la lutte contre l’eutrophisation».

Le lac Léman, à cheval sur la France et la Suisse, s'étend sur 581,3 km2. ©Licence Creative Commons

Le lac Léman, à cheval sur la France et la Suisse, s’étend sur 581,3 km2. ©Licence Creative Commons

En Suisse, «trois plans d’action ont été mis en place […] pour lutter contre l’eutrophisation avec de nombreuses actions de lutte contre le phosphore» :

«Augmentation du nombre de stations d’épuration éliminant le phosphore, amélioration du rendement de celles-ci, actions à la source comme l’interdiction du phosphore dans les produits de lavage textile, amélioration de la qualité des réseaux d’assainissement (limitation des déversoirs d’orage) et  actions dans le domaine agricole pour diminuer la fertilisation phosphatée et la lutte contre l’érosion des sols», énumère le rapport.

En Bretagne, des plans sur l’agriculture ont été mis en place au cours de ces dernières années afin de contenir la prolifération des algues vertes. Ces mesures s’appuient notamment sur un rapport commandé en 2012 par les ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture, qui établit que «la part agricole représente au moins 90 % des apports azotés […], 50 à 60% pour le phosphore. […] Il apparaît donc que la réduction des apports azotés liés aux activités agricoles et d’élevage reste l’objectif le plus pertinent pour limiter la prolifération des algues vertes.»

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