Éthique animale : une présence trop faible dans la feuille de route des pouvoirs publics pour l’alimentation ?

De nouvelles mesures visant à responsabiliser davantage les acteurs de l’industrie de production alimentaire animale ont été inscrites dans une nouvelle loi récemment promulguée. Celles-ci présentent la position du gouvernement quant à l’éthique animale dans la production alimentaire, qui reste toutefois jugée insuffisante par certains acteurs.

Des agneaux sur une chaine d'abattage à l'abattoir de Mauléon-Licharre.

Les conditions de production dans les abattoirs sont des éléments importants dans la prise en compte du bien-être animal dans la production alimentaire. Source : https://animaux.l214.com/Moutons/abattoir-mauleon-2016-agneaux

Le 1er novembre dernier, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, issu des États généraux de l’alimentation, a été promulguée, près d’un mois après son adoption par le parlement. Cette loi, dans ses grands objectifs, souhaite : permettre aux agriculteurs d’avoir un revenu digne en répartissant mieux la valeur, améliorer les conditions sanitaires et environnementales de production, renforcer le bien être animal et favoriser une alimentation sûre et durable pour tous.

En considérant les préoccupations actuelles autour du bien être animal, et alors que beaucoup d’incidents continuent d’être pointés régulièrement du doigt dans les abattoirs, comme en Indre au début du mois de novembre, une partie de la loi concerne donc le renforcement du bien être animal. Une cause qui semble importante aujourd’hui selon le nouveau ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume : « La lutte contre la maltraitance animale reste plus que jamais un sujet prioritaire du gouvernement et engage à la plus grande fermeté face à des actes inexcusables ».

La question animale au gouvernement

La France compte aujourd’hui environ 265 abattoirs, qui produisent entre 10 et 200 000 tonnes par an selon leur taille, d’après les chiffres du ministère de l’agriculture et l’alimentation. La production dans les abattoirs de boucherie était estimée en 2017 à 3,7 millions de tonnes. Régulièrement, l’association L214 révèle dans ses enquêtes des conditions de vie déplorables dans les abattoirs français, témoignant d’une nécessité de progrès à réaliser dans ce domaine. Certaines révélations ont parfois pu déboucher sur des réactions de la part du gouvernement, avec par exemple une proposition de loi « relative au respect de l’animal en abattoir », adoptée en 2017, et la création d’un « Comité national d’éthique des abattoirs » destiné à débattre de « l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir ». Un « Centre national de référence sur le bien-être animal » a également été créé avec pour missions « d’organiser un partage des connaissances avec l’ensemble des acteurs impliqués dans le bien-être animal (les éleveurs et détenteurs d’animaux, les vétérinaires, les chercheurs), de diffuser les résultats de la recherche et des innovations techniques, d’apporter un appui scientifique et technique à tous les acteurs et de constituer un centre de ressources pour la formation sur le bien-être et la protection animale ».

La production alimentaire animale est aujourd’hui régie par un cadre juridique, dans lequel, selon La Fondation droit animal éthique et sciences, « les normes en vigueur restent toutefois insuffisantes pour garantir le bien-être des animaux destinés à la consommation, que ce soit au niveau de l’élevage à proprement parler, du transport ou de l’abattage. Les modes d’élevage industriels restent prédominants, associant souffrance animale, produits de qualité souvent inférieure et dans certains cas risques pour le consommateur. »

Concernant les abattoirs, l’Etat joue un rôle important dans le contrôle et la vérification des pratiques dans ces établissements. Plusieurs fois par an, quelques 2000 agents des DDPP (directions départementales en charge de la protection des populations) réalisent des inspections ayant pour objectif l’évaluation du niveau de maîtrise de la protection des animaux depuis leur déchargement, jusqu’à leur abattage. Ces contrôles veillent à la sécurité sanitaire des aliments ainsi qu’à la santé et la protection animale. Dans le reportage de LCI, Isabelle Saporta, journaliste spécialiste agriculture, dénonce le fait qu’« aujourd’hui, avec l’industrie agro-alimentaire, avec les abattoirs, on est dans l’auto-contrôle, au fond, il n’y a pas assez de contrôles. Quand il y en a, ils ne sont pas suivis d’effets, personne n’est jamais sanctionné. »

Davantage de fermeté

Parmi les principales mesures présentées faisant référence au bien-être animal, cette nouvelle loi étend tout d’abord le délit de maltraitance animale en élevage aux activités de transport et d’abattage. Les peines liées à ces délits sont doublées et passent de 6 mois d’emprisonnement et 7500 € d’amende à 1 an et 15 000 € d’amende. Les associations de protection animale pourront se porter partie civile lorsque des contrôles officiels auront mis au jour des mauvais traitements sur les animaux. Un responsable de la protection animale sera désigné dans chaque abattoir avec le statut de lanceur d’alerte. La vidéo-surveillance sera expérimentée dans des abattoirs volontaires. Enfin, la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cages sera interdite.

Seulement, ces mesures ne semblent pas suffire pour les défenseurs de la cause animale. Sur le site du journal L’Humanité, le directeur de l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs décrit des dispositions « bien loin des engagements du candidat Macron ». Ces sanctions ou mesures ne seraient ainsi pas assez incitatives, inadaptées ou trop faibles. L’association L214 est restée attentive lors de l’examen de la nouvelle loi alimentation : pour celle-ci, des mesures qui auraient pu limiter la souffrance des animaux n’ont pas été retenues, comme la mise en place d’un étiquetage obligatoire des modes d’élevage et d’abattage des animaux, ou l’interdiction des fermes-usines pour s’engager vers un autre modèle agricole.

Le poids des lobbies

Les propositions retenues concernant la question animale peuvent paraître faibles, d’autres ne sont plus à l’ordre du jour – comme l’interdiction des œufs issus de poules en cage, ou la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoires. Pour comprendre les nombreux changements opérés, il faut s’intéresser au rôle des lobbies au gouvernement, comme l’explique une enquête de France Inter « Bien-être animal : comment les lobbies et le ministre de l’Agriculture ont eu raison de Nicolas Hulot ». Ces derniers ont contribués à réduire l’importance des mesures souhaitées par Emmanuel Macron durant sa campagne ou Nicolas Hulot alors ministre de la Transition écologique et solidaire.

Un autre enjeux qu’il faudra observer dans les mois à venir, la réglementation à plus grande échelle, et de l’Union Européenne avec une réforme de la Politique agricole commune (PAC) qui devrait, elle aussi, apporter des exigences concernant le bien-être animal.

 

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http://agriculture.gouv.fr/abattoirs-quel-est-le-role-de-letat

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