Dans le Trégor, la qualité de l’eau s’améliore à petits pas

Depuis une vingtaine d’années, la Bretagne multiplie les efforts pour améliorer son eau potable. Aujourd’hui, le bilan est positif et la pollution due à l’agriculture intensive diminue. Pour maintenir cette tendance, un travail sur plusieurs années est encore nécessaire, avec des politiques propres aux territoires. C’est le cas en baie de Lannion.

Photo de la rivière le Guindy à quelques kilomètres de Lannion

La totalité des habitants du Trégor ont accès à une eau potable, mais le travail sur la qualité continue.

La qualité de l’eau de nos robinets évolue doucement. En Bretagne, 99,6 % de la population a accès à l’eau potable. C’est 2 % de plus que la moyenne nationale, selon l’Agence régionale de santé (ARS). C’est surtout un progrès exemplaire. A la fin des années 1990, environ 13 % des habitant·s étaient desservi·e·s ponctuellement par une eau non conforme. Et les Côtes-d’Armor font encore mieux, selon Véronique Gonzalez, ingénieure chargée du département pour l’ARS : « Nous n’avons plus aucune eau non conforme diffusée sur le réseau. » Cela ne signifie pas que l’eau est exempte de toute pollution mais que les seuils réglementaires sont respectés. Notamment ceux des nitrates, liés à l’agriculture intensive, et pour lesquels la Bretagne s’est régulièrement fait épingler par le passé.

Une politique agricole positive

En France, la concentration en nitrates ne doit pas dépasser 50 mg/L pour qu’une eau soit potable. Au-dessus, elle présente un risque sanitaire, notamment pour les femmes enceintes. Les cours d’eau bretons possèdent en moyenne un taux de 33,5 mg/L. Depuis le milieu des années 1990, le composé a diminué dans la région. C’est le cas autour de Lannion :  la station de pompage de Ploubezre, dont dépend le Léguer, est passée de 35 mg/L en 1997 à 24 mg/L en 2017.

Fixée au début des années 2000, la réglementation, qui a eu pour but de limiter les algues vertes en encadrant mieux les exploitations agricoles, a porté ses fruits. Même si cela a pris 20 ans, comme l’explique Stéphane Guichard, directeur du service eau et assainissement de Lannion-Trégor Communauté : « Les stocks dans les sols mettent du temps à ruisseler et les mentalités des agriculteurs évoluent lentement. » Autre raison de cette amélioration de la qualité des eaux : la modernisation des stations de pompage et des techniques de traitement des nitrates.

 

 

Tout l’enjeu, aujourd’hui, est de maintenir cette tendance positive et d’aller plus loin. C’est  ainsi l’objectif du Schéma d’aménagement de la gestion des eaux (Sage) de la baie de Lannion, adopté en juin 2018 après une longue concertation. Cette politique encadre désormais tout projet concernant la qualité de l’eau. Et se veut garante de « la préservation de la ressource d’un point de vue quantitatif et qualitatif », confie Stéphane Guichard.

Le Sage : objectif 2027

L’ambition du Sage, qui concerne 36 communes dans les Côtes-d’Armor et deux dans le Finistère, est affichée : obtenir, d’ici 2021, un bon état écologique de l’ordre de 69 % pour les cours d’eau, et de 100 % en 2027. « C’est un travail sur plusieurs années », affirme Anthony Momaud, coordinateur du Sage de la baie de Lannion.

Au programme : la préservation des zones humides, l’assainissement collectif des eaux qui implique qu’un·e usager·ère doit être relié·e à une station d’épuration et ne peut utiliser un système individuel lié au milieu naturel. Sans oublier un autre enjeu majeur de la région : la lutte contre les algues vertes. Ces objectifs nécessitent de communiquer auprès des différent·e·s acteur·rice·s locaux·ales, aussi varié·e·s soient-il·elle·s : « Pour encadrer les eaux usées à l’intérieur des bateaux, nous avons lancé une campagne de sensibilisation à destination des usagers des ports : des supports d’information ont été mis en place (panneaux) et des réunions réalisées avec les maîtres des ports, les capitaineries… »

Un outil non contraignant

Mais si les objectifs du Sage sont relativement précis, sont-ils réalisables ? « Je pense que cela va être difficile car plusieurs facteurs sont à prendre en compte… On est sur des phénomènes physiques qui peuvent parfois nous dépasser », doute le coordinateur. Il prend l’exemple de la Lieue de Grève, une étendue sableuse qui s’étend de Saint-Michel-en-Grève à Plestin-les-Grèves : « Les cours d’eau ont une bonne qualité, autour de 20 mg/L de nitrate, alors que les algues vertes sont abondantes », constate Anthony Momaud.

Réalisable ou pas, Yves-Marie Le Lay, représentant de l’association Côtes-d’Armor nature environnement est plus catégorique. Pour le militant, engagé contre les algues vertes, les objectifs sont insuffisants : « Si vous voulez une bonne qualité de l’eau de rivière, il faut 5 mg/L de nitrates et non 20 mg/L, pour arriver à une eau de source. » Il pointe également du doigt cette politique : « Le Sage agit à petits pas ! C’est ce que disait Nicolas Hulot lors de sa démission : la priorité n’est pas à l’environnement mais à l’économie. »

D’autant plus que le Sage n’est pas contraignant. Il peut émettre des prescriptions auxquelles les acteur·rice·s locaux·ales doivent se conformer, mais il reste un outil purement consultatif : « Nous ne sommes pas garants de l’application, mais plutôt là pour conseiller, observe Anthony Momaud. Il faut que cela reste réalisable. »

« Un lieu de rencontres autour de petits gâteaux »

Yves-Marie Le Lay, aussi membre de la commission d’élaboration du Sage, reproche son mode de fonctionnement. Pour lui, « ce n’est pas un organisme de concertation, mais un lieu de rencontre autour de petits gâteaux ». Il déplore notamment le manque d’échanges entre les acteur·rice·s du groupe : « En réalité, cette commission fonctionne au consensus. Chacun doit se résigner à adopter les propositions du Sage. Il n’y a pas de vraie volonté de la part des élus d’écouter. »

Irréalisable, non contraignant… le Sage semble aussi abstrait pour certains acteurs : « Pour moi, c’est une politique globale. Ce n’est pas très parlant », regrette Clément Guillomard, directeur technique du Syndicat d’adduction des eaux du Trégor, qui gère le pompage et la distribution des eaux de huit communes, à l’est de Lannion.

Avec un budget de 190 000 € pour 2018, cette nouvelle politique est donc loin de convaincre. Et pose question sur sa manière de faire et ses objectifs.

Raphaël Aubry et Annabelle Georges

 


En savoir plus…

Le Sage est une application à l’échelle locale de la directive européenne cadre sur l’eau (DCE) de 2000 et de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques de 2006. Ses objectifs sont l’atteinte et la préservation du bon état des masses d’eaux et l’équilibre entre les ressources en eau et les besoins des usager·ère·s. Après l’élaboration du Sage, la Commission locale de l’eau (CLE) est chargée de l’appliquer. Elle est composée de trois collèges : les représentant·e·s des collectivités locales et établissements publics territoriaux, les représentant·e·s des usager·ère·s, des propriétaires riverain·e·s, des organisations professionnelles, des associations concernées et de ses établissements publics, et les représentant·e·s de l’État.


Le bon état écologique des masses d’eau est défini par la directive européenne cadre sur l’eau (DCE) comme le retour à une situation de référence naturelle. Il prend en compte des indicateurs différents selon le type de cours d’eau. Une eau de surface sera considérée comme conforme si son état écologique (respect de l’écosystème) et son état chimique (respect des normes de qualité environnementale) sont en-dessous des normes de qualité DCE. Le bon état d’une eau souterraine est atteint lorsque son état quantitatif (le niveau de pompage ne doit pas dépasser la capacité de renouvellement) et son état chimique sont en-dessous des normes de qualité DCE.

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