Le ruisseau Pontplaincoat aura bientôt bonne mine

Dégradée par des extractions de métaux, la qualité de l’eau du ruisseau Pontplaincoat, à Plougasnou, dans le Finistère, est classée en alerte rouge par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Le Syndicat mixte du Trégor mène un projet de restauration de son cours naturel. Les enjeux écologiques sont nombreux, de la sauvegarde de la biodiversité à la lutte contre les inondations.

Étang sur la propriété de Kerprigent, près de Plougasnou dans le Finistère. Crédit : Lisa François

Étang sur la propriété de Kerprigent, près de Plougasnou dans le Finistère. Crédit : Lisa François

A Saint-Jean-du-Doigt, au lieu-dit de Kerprigent, le cadre est paisible. Un petit ruisseau côtier d’une dizaine de kilomètres, le Pontplaincoat, traverse un étang, bordé d’un grand parc boisé. Mais ce plan d’eau est loin d’être naturel. Dans les années 1960 et 1970, le lit originel du Pontplaincoat a été détourné en raison d’extractions industrielles d’or et d’étain par la Compagnie des mines de Saint-Renan (Comiren). En 1973, à la fin de l’activité, l’entreprise a nivelé le terrain et creusé des étendues d’eau artificielles à la demande des propriétaires. Mais derrière le paysage bucolique, la biodiversité peine à survivre.

« Les poissons ont du mal à circuler, des sédiments se sont accumulés, des espèces invasives telles que des ragondins ou des plantes ont colonisé la rivière, des inondations et des submersions de routes ont lieu régulièrement », explique Sébastien Le Goff, technicien au Syndicat mixte de la gestion des cours d’eau du Trégor et du Pays de Morlaix (SMT). Passionné par son métier et redoublant d’efforts pour défendre ce territoire, il déplore la situation actuelle. « Nous sommes entourés de nombreux étangs. Certains sont entretenus, d’autres non. Le ruisseau lui, ressemble par endroits à un fossé. » Ce sentiment est partagé par Philippe Bras, président de l’Association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique (AAPPMA) de Morlaix. « Sans chantier, la survie des espèces et la qualité de l’eau sont fortement menacées. »

Sébastien Le Goff, technicien au Syndicat mixte de la gestion des cours d'eau du Trégor et du Pays de Morlaix. Crédit : Lisa François

Sébastien Le Goff, technicien au Syndicat mixte de la gestion des cours d’eau du Trégor et du Pays de Morlaix. Crédit : Lisa François

Résultat : le cours d’eau finistérien est classé en alerte rouge par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. A deux reprises, en 2011 et 2014, l’établissement public a effectué des tests qui se sont révélés très négatifs. Les indices piscicoles ne sont pas les seuls à être inquiétants. Ceux liés aux diatomées posent également problème : ces algues caractéristiques des eaux de mauvaise qualité, se retrouvent en quantité trop importante. Or elles traduisent la présence de phosphore et d’azote, éléments qu’on retrouve principalement dans les eaux d’épuration.

Des transformations industrielles à l’origine des dégâts

Le SMT a dû entamer une procédure pour sauver l’état écologique du ruisseau, en déclin depuis plus de 40 ans. Il a fallu convaincre les élus des communes avoisinantes et du Département. « L’alerte de l’Agence de l’eau nous a donné de la force pour légitimer l’opération aux yeux des élus », confie Sébastien Le Goff. En 2016, le plan de restauration du ruisseau est lancé par le SMT en compagnie de l’Agence de l’eau, du Conseil départemental et d’associations locales telles que  Petit port breton sympa et Bretagne vivante. Un objectif : « retrouver le cours naturel du ruisseau, espère Sébastien Le Goff. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur des photos des années 1950 et sur des analyses tirées de forages ».

Le ruisseau au bord de la route départementale vers Kersaint dans le Finistère où les poissons ne peuvent plus passer, il va être reconstruit. Crédit : Lisa François

Le ruisseau au bord de la route départementale vers Kersaint dans le Finistère où les poissons ne peuvent plus passer, il va être reconstruit. Crédit : Lisa François

Un chantier de 5 ans à 400.000 euros

Dix sites de travaux, dont cinq projets de suppressions d’étangs sont prévus. Concrètement, des pelleteuses vont creuser le lit du Pontplaincoat afin de recréer un fond de rivière semblable à celui d’origine. Le chantier s’étalera sur cinq ans, pour un coût estimé de 400 000 euros, 60 % étant assuré par l’Agence de l’eau, le reste revenant au Département et au Syndicat mixte.

« La Comiren a pollué mais n’a pas payé »

Pierre-Yvon Boisnard, secrétaire de l’association écologiste de Plougasnou Petit port breton sympa est enthousiaste. « C’est une très bonne initiative. Il y a bien longtemps que ça aurait dû être fait ! » Pour l’écologiste, les exploitants miniers n’ont pas assumé les dégâts qu’ils ont générés.

« La Compagnie des mines est partie sans nettoyer le site. Ils ont pollué mais n’ont pas payé » regrette-il.

Le coût de l’opération étant supporté principalement par des fonds publics. Philippe Bras, de l’AAPPMA, salue lui aussi le projet : « La restauration des cours d’eau ne peut qu’avoir des conséquences bénéfiques pour le milieu piscicole, explique-t-il, cela va permettre de préserver la continuité écologique, c’est-à-dire d’éviter les obstacles sur le chemin des migrateurs, tels que les saumons d’Atlantique, la lamproie ou l’anguille ».

Le ruisseau du Pontplaincoat, Kerprigent, Finistère. Crédit : Lisa François

Le ruisseau du Pontplaincoat, Kerprigent, Finistère. Crédit : Lisa François

Des travaux inachevés ?

L’étang sur la propriété de Kerprigent sera lui conservé, tout comme quelques autres, bien souvent privés, pour des raisons essentiellement esthétiques. Un paradoxe pour le projet qui veut retrouver l’état naturel du cours d’eau. « Avec les années, une biodiversité, bonne ou mauvaise, s’y est installée, confie Sébastien Le Goff, mais garder des étangs peut effectivement être problématique. » En effet, dans ceux-ci, l’eau a tendance à se réchauffer plus facilement, ce qui risque de continuer de perturber l’écosystème.

Un projet identique a été mené à Saint-Renan de 2009 à 2013, sur l’Ildut, où la Comiren avait également bouleversé l’équilibre environnemental. « Ce programme a permis une amélioration de la qualité physique du cours d’eau », estime l’AAPPMA de Saint-Renan, tout en soulignant que « le résultat obtenu a été néanmoins insuffisant pour atteindre l’objectif de bon état écologique ». Un second projet a ainsi dû être mis en place en 2017-2018.

L’année prochaine, sur le Pontplaincoat, entre prairies et étangs, des pelleteuses viendront à nouveau troubler le calme apparent. Mais cette fois, aucun métal ne sortira du ruisseau. Un « bon état écologique » est promis par l’Agence de l’eau en 2027. Avec pour priorité de voir les indices liés aux diatomées et aux poissons renouer avec des valeurs normales. Les truites et les anguilles devraient donc progressivement repeupler le ruisseau. Le Ponplaincoat aura bientôt meilleure mine.

La vallée au lieu-dit de Kerprigent dans le Finistère. Crédit : Lisa François

La vallée au lieu-dit de Kerprigent dans le Finistère. Crédit : Lisa François

Lisa François et Sébastien Ortiz

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